On l’appelle «La belle endormie». Et pourtant ! Jamais, au cours des siècles, les sept sources qui entourent Korbous, l’antique Carpis, n’ont cessé de murmurer l’histoire de ces lieux.
Les Carthaginois qui traversaient la baie pour venir jouir des bienfaits de ces eaux miraculeuses. Les Romains dont la culture des bains ne pouvait occulter ces lieux et ces eaux aux vertus curatives multiples. Les Arabes qui y poursuivirent leur conquête et baptisèrent Sidi Raïs, le petit port voisin, hommage à un pêcheur marabout… Tous vinrent sacrifier à ces rituels nés de la nuit des temps.
Les murmures des sources se firent un temps plus discrets, lassés des tumultes de l’Histoire avant de retrouver leur musique et leur superbe avec Ahmed Pacha Bey 1er qui entreprit, au XIXe siècle, de rendre son lustre au site et de réhabiliter la station thermale en y construisant un pavillon, suivi, bien sûr, par toute la cour.
La période de gloire
Puis, dans les années 20, est arrivé Edmond Lecore-Carpentier que Korbous sacralisa en Sidi El Carpenti. Homme d’affaires et journaliste français, époux de la petite-fille de Marie Curie, directeur de la Dépêche de Tunisie, celui-ci arrivait, auréolé d’une certaine gloire. Il la mit à profit pour rendre son éclat à la station thermale et à ses eaux sulfureuses riches en calcium, potassium et magnésium, dont les vertus bénéfiques n’étaient plus à démontrer depuis la haute antiquité.
De nombreuses légendes courent encore sur Sidi El Carpenti. Mais, ce qui est sûr, c’est que Lecore-Carpentier sut drainer le monde entier à Korbous. On y venait en bateau, en hydravion posé sur le lac de Tunis, en train, en calèche, et même à dos de mulet. Pour parler le langage actuel, on peut dire que Lecore-Carpentier, dont l’auréole sacrée de saint marabout fut vénérée tout aux alentours, fut également ce que l’on pourrait appeler le premier Tour Operator tunisien. C’est encore lui qui construisit la première route de corniche facilitant l’accès au site, et lui aussi qui exploita l’eau minérale Aïn Oktor, vendue, à l’époque en pharmacie.
Korbous connut sa période de gloire jusqu’aux années 60. Un hôtel et des bains y furent construits, un casino ouvert. La station balnéaire, thermale, drainait familles, curistes, voyageurs étrangers, mais aussi gens de la région. Bourguiba qui aimait prendre les eaux s’installa dans la maison de Lecore-Carpentier qui, lui, fut enterré dans un caveau romain, désormais marabout. A l’initiative du zaïm, un petit hôtel fut construit par le célèbre architecte Olivier Clément Cacoub auquel on doit la plus grande partie des palais et des projets touristiques de la Tunisie. Puis à nouveau, le murmure des sources baissa. Korbous fut quelque peu oubliée.
Une vue à couper le souffle !
Bien plus tard, Ferid Abbes, enfant de la région dont la famille possédait des terres aux alentours, entreprit de faire revivre la cité antique. Bâtisseur moderne, cet homme d’affaires décida de créer un complexe hôtelier et thermal au cœur du périmètre des sources. L’entreprise fut longue et ardue. L’hôtel et le centre s’accrochaient au flanc d’un massif montagneux, à pic sur la mer, dans un site ouvert à quelque 240 degrés sur l’horizon.
Là où il décida d’ancrer son projet, la vue est à couper le souffle sur une mer sereine protégée par une crique.
Le Korbous Bay était né, véritable gageure et entreprise audacieuse. On fit monter l’eau de mer, cheminer l’eau des sources, de façon à offrir à la fois thalassothérapie et thermalisme en un même lieu, ce qui fut, à notre connaissance, l’un des rares endroits où cela existe. L’effondrement de la route qui retarda longtemps les travaux n’eut pas raison de la détermination des promoteurs.
Pour rendre à Carpis et aux sources la grandeur que lui avaient octroyée les élites et les sénateurs de Carthage et de l’Afrique romaine, on édifia le plus grand Spa d’Afrique dit-on, et probablement d’ailleurs.
Sur quatre niveaux et plus de 3.500 mètres carrés, on étagea piscines d’eau de mer ou bassins d’eau thermale, bains bouillonnants, bains hydromassants, lits flottants, douches à jets ou à affusion, elles aussi d’eau de mer ou d’eau thermale. Sous la direction attentive de médecins spécialistes, on forma les gens de Korbous aux techniques de soin et de bien-être les plus exotiques : ayurveda, shiatsu, kobido, massages aux pierres semi-précieuses ou aux herbes des montagnes de la région. Et l’on s’en remit à la baraka de Sidi El Carpenti.